Les technologies sanitaires à l’échelle européenne

Carte de l'Europe

Les technologies sanitaires ont la côte, notamment au niveau de la French Tech ! Un exemple très récent est l’entrée dans l’univers très prisé des licornes françaises, en devenant la 12e d’entre elles, d’Alan, une néo assurance santé créée il y a 5 ans se basant sur un chiffrement des données de bout en bout. Cet exploit a été rendu possible grâce à une levée de fond de 185 millions d’euros pour une valorisation de 1,4 milliard d’euros au total pour la start-up, ce qui lui a valu les compliments du président de la République Française Emmanuel Macron. L’entreprise semble visualiser ce statut plus comme un moyen qu’un objectif, notamment pour poursuivre le déploiement de son offre de complémentaire santé dans le but d’atteindre le million d’utilisateurs d’ici 2023 et le recrutement de 400 personnes supplémentaires à son équipe actuellement constituée de 325 collaborateurs. Encore bravo à elle ! D’utilité publique, les recherches et investissements dans les technologies sanitaires (qui peuvent notamment faciliter le travail de nos soignants, trop souvent en sous-effectif) ne sont pourtant pas souvent mises en avant sur le plan médiatique. On peut notamment citer Blue Dot comme exemple remarquable, l’Intelligence Artificielle qui a su déceler l’épidémie de la Covid-19 avant l’OMS grâce à ses algorithmes complexes ou encore le système de santé de l’Estonie presque entièrement numérisé, première nation d’Europe dans ce domaine. Pourtant, elles pourraient bien changer la face du monde et nos comportements d’ici quelques années ; en effet, au-delà des technologies facilitant l’information et la communication, d’excentriques milliardaires sont prêts à tout à la fois pour nous réparer et nous « améliorer ». Laissez-moi vous introduire au transhumanisme.

Qu’est-ce que le transhumanisme et qui sont ses partisans ?

Elon Musk
Elon Musk, partisan sûrement le plus connu du mouvement transhumaniste

Selon Larousse, le transhumanisme se définit comme «un courant de pensée  qui vise  l’amélioration des capacités intellectuelles, physiques et psychiques de l’être humain grâce à l’usage de procédés scientifiques et techniques (manipulation génétique, nanotechnologies, intelligence artificielle, etc.). [Conviction idéologique plus que position solidement argumentée, le transhumanisme est contesté aussi bien d’un point de vue scientifique que d’un point de vue éthique.]»

Parmi ses louangeurs et porteurs du mouvement on retrouve notamment Elon Musk, fondateur de la société Neuralink lancée il y a un an ou Jeff Bezos qu’on ne présente plus. Le mouvement transhumaniste est principalement incarné par Humanity +, anciennement la World Transhumanist Association, créée par Nick Bostrom et David Pearce, dont certains de ses membres éminents font partie des grandes sphères éducationnelles et corporatistes : le philosophe et bioéthicien australien Julian Savulescu, enseignant à Oxford et créateur du Journal of Medical Ethics, Nick Bostrom est également enseignant à Oxford et dirige le Future Of Humanity Institute ou encore le sociologue bioéthicien James Hughes, professeur au Trinity College de Londres et directeur de l’Institute for Ethics and Emerging Technologies (cofondé avec Nick Bostrom). Parmi ceux-ci figure le philosophe et bioéthicien d’origine australienne Julian Savulescu, qui enseigne à l’Université d’Oxford et qui est l’un des éditeurs du renommé Journal of Medical Ethics. Diplômé de la London School of Economics, le philosophe d’origine suédoise Nick Bostrom enseigne également à l’Université d’Oxford et dirige l’influent Future of Humanity Institute. Autre figure phare du transhumanisme, le sociologue et bioéthicien américain James Hughes, qui est professeur au Trinity College de Londres et dirige par ailleurs l’Institute for Ethics and Emerging Technologies, qu’il a cofondé avec Nick Bostrom. Il serait presque insultant d’omettre Ray Kurzwell ; ingénieur, futurologue, porteur de la thèse de la Singularité Technologique, il est conseiller stratégique pour l’armée américaine et depuis 2012 auprès de Google autour du sujet de l’augmentation humaine. C’est également le cocréateur avec Peter Diamandis de l’Université de la Singularité. On peut donc noter que ce mouvement est fédérateur de personnalités publiques, médiatisées et donc influentes qui peuvent ne pas faire partie du mouvement mais qui n’hésiteront pas à en défendre les valeurs. Faisons maintenant un petit tour d’horizon des innovations et créations apportées par le transhumanisme.

Réparer l’humanité

Athlète paralympique
Athlète participant aux jeux paralympiques de Rio en 2016

On distingue deux « types » de transhumanisme : nous allons ici aborder la premier, parfois dénommé comme le transhumanisme « défensif » ; celui se veut pourfendeur des handicaps et des inégalités physiques entre les êtres. Etant concerné, mais loin de porter la parole de tous ceux qui le sont, je dois bien avouer qu’il porte un symbole d’espoir pour l’avenir et nos conditions de vie. Un monde ou les aveugles pourraient voir, les paralysés pourraient marcher et où les diabétiques (bonjour !) n’auraient pu à constamment surveiller leur alimentation et leur mode de vie tient presque d’une utopie, qui pourrait bien devenir réelle dans les années à venir. L’exemple le plus récent, datant de début avril,  est sûrement le singe jouant au ping pong virtuel grâce à une puce implantée dans son cerveau par Neuralink, une technologie qui révolutionnera sans aucun doute les handicaps moteurs en permettant aux concernés de regagner le contrôle de leurs corps d’ici quelques années. Bonne nouvelle également pour les 253 millions de personnes présentant une déficience visuelle sur la planète, l’œil bionique est déjà une réalité ! Plusieurs tests ont été réalisés en France, et les testeurs (atteintes de DMLA ou de rétinopathie) peuvent désormais distinguer des formes de couleur noire ou blanche, avec un temps d’adaptation. Bien que cette technologie s’adresse pour l’instant à des pathologies précises, le champ des possibilités est large. De plus, la Sécurité Sociale les prend en charge ! Sympathique, n’est-ce pas ? Cependant, le deuxième type de transhumanisme effraie déjà un peu plus : celui dit « agressif ».

… et l’augmenter

Cerveau dans un bocal
On espère qu’on en arrivera pas jusque là.

Malheureusement, les deux vont de pair. L’Express commentait le livre de Luc Ferry, « La révolution transhumaniste » par un idéaliste « Vivre 300 ans, ce sera un jour possible », d’autres annonçaient « la mort de la mort ». Le transhumanisme veut ici, grâce à a technologie et notamment l’intelligence artificielle, repousser les limites du corps humain pour atteindre l’immortalité, en téléchargeant sa conscience par exemple. Remettons les choses dans l’ordre ; le CNRS rappelle que pour l’instant, « on soigne mais on ne guérit pas » et ce ne sera pas le cas avant longtemps, sauf si tous les investissements actuellement placés dans le transhumanisme agressif sont redirigés vers le défensif. C’est un marché opaque, fructueux et surtout contrôlé par une minorité de milliardaires et millionnaires tournant parfois même à la compétition presque enfantine de « celui qui ira le plus loin », visant la création d’une sorte d’Homme Dieu. Le fonctionnement d’un système capitaliste, régi par des intérêts privés comme le nôtre va forcément mener ces technologies à servir l’intérêt de certains plutôt que tous, voir même à lancer des guerres et les rendre encore plus meurtrières ; on commence déjà à équiper les soldats d’exosquelettes. Heureusement, les GAFA portant les valeurs du transhumanisme créent et imposent des règles déontologiques vis-à-vis de celui-ci, cependant tous les acteurs y ayant accès ne sont pas contraints à une réglementation dans les faits. De plus, cette logique représente une sorte de fuite en avant face à notre condition et à nos retards en matière de santé. La volonté d’Elon Musk de coloniser Mars s’inscrit elle aussi dans cette lignée : fuir la Terre plutôt que d’essayer de corriger les erreurs que nous y avons commises.

Le transhumanisme a donc deux faces : si il est bien exploité et contrôlé, il pourrait être en mesure de changer radicalement la condition de l’homme face aux malheurs incontrôlables qu’il peut avoir à endurer. Le recherches et les technologies qu’il entraîne, et plus largement toutes les innovations sanitaires telle que Bone 3D (start up française permettant l’impression 3D de dispositifs médicaux, simulateurs de chirurgie…), sont un véritable bond en avant pour la santé de l’espèce humaine. Cependant, une réelle régulation et un vrai travail d’informations transparentes sur ce marché, contrôlé par quelques savants aux aspirations tout autant vertigineuses qu’inconsidérées, vont devoir se mettre en place et vite au risque que bientôt, ce soit la Terre toute entière et ceux qui la peuplent qui deviennent leur terrain de jeu.