J’ai récemment visité le Salon des Entrepreneurs à Paris. Parmi les conférences auxquelles j’ai pu assister, celle qui m’a le plus marqué était loin d’être celle que j’avais pu imaginer.

En effet, dans le vaste monde de l’entrepreneuriat, on parle beaucoup (et à juste titre) de comment bien pitcher, lever, recruter, piloter, structurer, etc. Cependant, on parle très peu d’un sujet bien particulier, mais inévitable finalement : la santé du dirigeant.

Les entrepreneurs à succès ont atteint le statut de héros aujourd’hui. On idolâtre les Musks et les Zuckerbergs à cheval sur leur licorne. On rêve de la Silicon Valley de la même manière qu’on rêvait d’Hollywood. Mais pour beaucoup d’entre eux, avant d’atteindre ne serait-ce que la première marche du succès, on oublie qu’ils ont souvent traversé des moments d’anxiété et de désespoir débilitants, des moments où tout allait s’effondrer.

Jusqu’à récemment, admettre ce genre de sentiments était un vrai tabou. Plutôt que de se montrer vulnérable, les business leaders pratiquent ce que les psychologues appellent la gestion de l’impression. En terme plus communs, le fameux “Fake it ’til you make it”. En effet, l’idéologie du leadership véhiculée aujourd’hui prônent l’infaillibilité. L’expression “je n’ai pas le temps de tomber malade” l’illustre bien.

Ceci est un peu paradoxal, car la fonction de chef d’entreprise est celle qui est la plus propice à faire faillir quelqu’un. Surcharge de travail, stress, pression et sommeil écourté font partie des grandes composantes du poids qu’il soutient quotidiennement sur ses épaules. Dans un environnement de startup, on peut y ajouter un élément d’incertitude maximal.

Mais cette idéologie existe pour une bonne raison quand on est à la tête d’une startup. Le dirigeant n’a tout simplement pas le choix : s’il n’est pas à 100% tous les jours, la perennité de son projet en sera affecté.

Premier capital immatériel d’une entreprise : la santé de ses dirigeants

Olivier Torrès, directeur de l’observatoire Amarok (le 1er observatoire français de la santé des dirigeants de PME) nous dit que le premier capital immatériel d’une entreprise est le capital santé de ses dirigeants.

On aurait donc tendance à croire que monter un projet de startup ressemble à un sprint (…) Une startup est plutôt un projet de marathon.

Malheureusement, beaucoup de fondateurs oublient ce fait. Oui, une startup va prendre une énorme partie de votre temps. Mais se jeter corps et âme dans le développement d’un produit et d’une structure, jour et nuit, sans relâche et jusqu’à l’obsession, c’est prendre le risque d’exploser en plein vol (burnout, anxiété, isolement ou dépression).

On aurait donc tendance à croire que monter un projet de startup ressemble à un sprint (sortir son produit le plus rapidement et grossir le plus vite possible) et qu’il faut absolument mettre le plus d’heures par jour (et nuit) dedans. Une startup est plutôt un projet de marathon. Vous n’avez pas de roadmap définitive, le chemin est tout sauf uniforme et peu franchiront la ligne d’arrivée, sachant que cette dernière n’existe pas dans le cas où votre startup réussit.

Qui dit marathon, dit consistance. Sur 3–4 ans, si vous échouez, et sur 10 ans, voire plus, si vous avez le bonheur de réussir. Qui dit consistance, dit une bonne gestion de son mental et de son physique (les deux sont liés).

Il a été prouvé qu’une durée d’exposition prolongée au stress est pathogène et peut physiquement vous affaiblir. Il a aussi été prouvé que prendre soin de son corps, c’est directement contribuer à son bien-être émotionnel et mental. Aussi chargé que puisse être l’emploi du temps d’un entrepreneur, réussir à trouver régulièrement un moment pour faire un peu d’exercice ou de sport, même pour une dizaine de minutes, permet de libérer des endorphines et donc d’améliorer son humeur, son focus, de combattre le stress jusqu’à l’anxiété.

Savoir bien s’entourer est également crucial à son mental. Il suffit de regarder les sportifs de haut niveau. Ils sont tous accompagnés d’un ou plusieurs coachs et pour les meilleurs de toute une structure. Famille, amis, mentors et associations d’entrepreneurs sont donc autant de sources de support et de boost dont il faut se nourrir pour tenir la durée, et surtout ne jamais laisser son projet nous couper du reste du monde.

Je finirai par deux citations de deux personnes très bien placées pour parler de ce sujet :

“At YC, we tell founders to work on their product, talk to users, exercise, eat and sleep, and very little else.”
— Sam Altman, CEO de Y Combinator, l’incubateur qui a révélé Airbnb et Stripe notamment.

“The number one role of a CEO is managing his own psychology.”
— Ben Horowitz, CEO Andreessen Horowitz, l’un des plus gros fonds d’investissement américain, dont je conseille cet article pour aller plus loin sur le sujet