Fabrice Grinda est une des rare success story web à la française, au mode de vie pour le moins original. A l’aube de la 3ème révolution industrielle, je suis allé recueillir ses impressions sur ces nouvelles technologies qui bouleversent notre monde !

Le WEB 2013 !!… J’ai eu la chance de me rendre à cette conférence mythique qui se déroule chaque année au mois de décembre à Paris. Pour ceux qui ne connaissent pas, le web est un peu LA conférence française sur les nouvelles technologies ! Le programme est chargé, les invités triés sur le volet, il n’y a pas de place pour le hasard dans ce genre d’endroit. De Fleur Pellerin à Loïc Le Meur, de Xavier Niel à Arnaud Montebourg, de Jacques-Antoine Granjon aux jeunes start-upeurs prometteurs : tout le monde est là!

Difficile de faire son choix ! Après avoir surfé sur la toile, un personnage m’a particulièrement accroché : Fabrice Grinda, méconnu du grand public, et même du milieu du numérique…Fabrice Grinda est pourtant à lui seul une success story nationale!

Pour résumer succinctement, après avoir grandi à Nice, il part étudier au Etat-Unis où il intègre la prestigieuse Princeton University dont il sortira major de promotion à 22 ans. Après quoi il fonde sa première société, « International Computers ». En 1998, il intégre McKinsey & Company en tant que consultant en stratégie, puis quitte le cabinet américain pour revenir en France où il lance Aucland.fr qu’il revendra au fonds d’investissements de Bernard Arnault. En 2000 c’est le retour aux Etat-Unis où il fonde Zingy. Le 30 juin 2004 est le jour où il devient riche en vendant les parts de sa société… Il ramasse au passage un petit pactole de 26 millions de dollars (après impôts)! Là, c’est la folie, il achète 11% d’un pays pour construire une réserve naturelle, des voitures et des villas de luxe ! Mais toute cette poudre aux yeux finit par s’estomper et il décide de tout reprendre à 0 ou presque. Il lâche ce train de vie démesuré et vit désormais dans des chambres d’hôtel à travers le monde avec toutes ses affaires dans une valise à roulettes. C’est le moment pour lui de se lancer dans de nouveaux projets. Il monte tout d’abord la société OLX, puis, ne se sentant plus suffisamment heureux au bureau, il revend les parts qu’il détient pour prendre un nouveau départ (encore)! Il pèse aujourd’hui plus de 50 millions de dollars et investit dans des projets nouveaux et dans de jeunes start-ups. Il était donc pour moi essentiel à l’aube de la 3ème révolution industrielle d’avoir son point de vue sur l’émergence de toutes les nouvelles technologies qui bouleversent déjà nos vies et nos usages.

Voici mon interview

Le monde numérique est sur le point de prendre un tournant très important, l’émergence de nouvelle technologies permet de nouvelles expériences, des produits révolutionnaires sont sur le point d’envahir le marché, comme les Google Glasses, les imprimantes 3D, les drônes, les ordinateurs quantiques etc… Voyez-vous l’arrivée de ces nouvelles technologies d’un bon oeil ?

Fabrice : « je vois par nature tout ce qui est nouveau d’un bon oeil, parce que l’on crée de nouvelles industries! C’est cependant encore un peu tôt pour les ordinateurs quantiques, je pense qu’avant de voir des ordinateurs quantiques banalisés, plein d’autres secteurs vont être révolutionnés avant, par exemple la communication, les transports, avec des voitures qui se conduiront toutes seules, et bien sûr les imprimantes 3D. »

Internet est un outil formidable, on a réussi à connecter des milliards de gens entre eux, tout le monde a le pouvoir de s’exprimer, on sait désormais que ce réseau a ses limites, et des gens pensent à l’internet 2 qui serait un moyen de se connecter avec de nouveaux protocoles et de façon différente. En avez-vous entendu parler? Et si oui, qu’en pensez vous ?

Fabrice : « Oui ! Mais pas de panique, par exemple les adresses iP sont arrivées à leurs limites et on est entrain de mettre en place leurs expansions vers l’IP V6. Donc en tant qu’utilisateur, il n’y a pas à s’inquiéter, je pense qu’il faut faire confiance à l’ICANN et aux différents organismes qui régulent l’internet, tout se fera naturellement sans même que l’on s’en rende compte. Ce qui est je pense le plus intéressant à observer dans les années à venir, c’est l’internet qui se banalise et qui arrive partout avec les objets connectés comme par exemple les machines à café qui prépareront le café comme on le souhaite avant même qu’on le demande, le thermostat intelligent qui va réguler la température de la maison et permettre de faire des économies d’énergie etc…»

J’aime beaucoup les sociétés telles que Apple, Google, ou Amazon, qui au-delà du fait de proposer des produits toujours plus innovants, ont une réelle envie de changer le monde et de rendre la vie de leurs utilisateurs plus simple, plus belle, plus intuitive et de permettre à toujours plus de personnes d’avoir accès à l’information. Je crois que vous partagez ce point de vue et j’aimerais savoir si vous essayez d’inculquer à vos collaborateurs cette même envie de changer le monde et si oui comment?

Fabrice : « En fait, je pense que c’est le but de la société en tant que telle. Avec OLX par exemple, on crée un service pour la l’humanité, un service gratuit qui amène de la transparence dans un marché qui n’en avait pas ! Résultat : on recevait des dizaines de milliers de lettres littéralement “d’amour” tous les mois…!! qui nous disaient : “ce que vous faites est incroyable!”, une femme m’a dit une fois “ Je suis tombée amoureuse de mon mari grâce à votre service ! J’ai trouver une baby-sitter sur OLX et j’ai pu me rendre à mon rendez-vous amoureux”, ou encore une personne qui nous a écrit en disant : “grâce à votre service, j’ai trouvé un emploi pour payer mon loyer.” Et bien d’autres encore! Donc, dans la mesure où le service répond à des besoins, les employés comprennent la valeur de ce que l’on fait, car on adore avoir des retours positifs!»

J’ai assisté ce matin à l’intervention de Monsieur Montebourg, et j’ai remarqué que beaucoup d’hommes politiques ou même d’entrepreurs parlent souvent d’imiter la Silicone Valley, de faire comme en Californie, mais nous sommes en France, avec un écosystème bien différent et peut-être des attentes différentes aussi. Ne pensez-vous pas qu’il serait peut-être plus intelligent de créer notre propre écosystème sans forcément nous calquer sur l’écosystème américain?

Fabrice : « Je pense que les choses se créent de manière naturelle, on voit que chacun des écosystèmes à ses concentrations. Par exemple, dans la Silicone Valley c’est le big data, le social, le hardtech, à New York les start-ups font des choses complètement différentes, comme l’impression 3D, la finance, la mode. Il serait à priori logique que les start-ups franco-francaises aient leurs concentrations propres et tirent partie des atouts formidables que l’on a en France. Ceci dit, il y a des bases pour favoriser l’écosystème comme par exemple la flexibilité au niveau du marché du travail, des règlementations plus simples qui permettrait d’opérer plus facilement. Après, dans la mesure ou l’on crée de la flexibilité et de la liberté d’expression, une société qui va se créer en France va utiliser les atouts français. En réalité on a pas mal d’atouts, on a beaucoup d’ingénieurs talentueux, beaucoup de gens créatifs, des entreprises solides.. Nous sommes les créateurs d’un art de vivre et d’une culture qui est exceptionnelle.»

Steve Jobs disait, la France a énormément d’atouts, de très bons ingénieurs, une bonne économie, des gens créatifs… L’un des problèmes majeurs qui empêche la France de devenir un leader mondial dans le domaine du numérique est simplement le fait que nous ne valorisons pas assez l’échec.

Fabrice : « Il faut échouer pour réussir, et pas uniquement dans l’absolu, mais il faut échouer au jour le jour. Quand je dois lever des fonds auprès des capitaux risqueurs cela ne marche pas à tous les coups, loin de là. Sur 1000 investisseurs, il y en a 999 qui disent non, mais il en suffit d’un qui dise oui, et cela se voit aussi dans des détails. Par exemple, lorsque je mets en place un site web, on échoue tout le temps, parfois mon intuition me dit que tel bouton doit être vert, mais en réalité le mieux serait qu’il soit orange, c’est une forme d’échec. Il faut tester, on fait beaucoup d’erreurs, mais on réitère rapidement et c’est comme cela que l’on s’améliore. D’un point de vue législatif, aux Etat-Unis par exemple, si l’entreprise coule, on se déclare en faillite, on perd notre entreprise, mais les dettes ne nous suivent pas toute notre vie, ce qui n’est malheureusement pas le cas en France où si l’on fait faillite, les dettes peuvent nous poursuivre longtemps après. Cet état de fait limite la prise de risque, personne n’a envie de traîner des dettes toute sa vie !»

Fabrice me congédie alors, avant de se rendre dans la grande salle de conférence où les interventions, toutes plus palpitantes les unes que les autres se succèdent….

A l’année prochaine!