Ritot, la montre qui vidéoprojette l’heure sur votre main, est une belle histoire à 420.000€. Du moins elle en a l’air.

Ça y est. C’est l’article de trop. Après SlashgearTheNextWebCnet et de nombreux autres, c’est au tour de Mashable de mettre en avant Ritot, la montre connectée équipée d’un picoprojecteur, qui se débarrasse des écrans et autres cadrans pour afficher l’heure directement sur votre main.

Étonné que personne n’en parle, j’ai décidé de dire ici ce qui se dit dans les commentaires de la campagne IndieGoGo de Ritot : les funders paient pour du vent. Ou plutôt pour des montages photos, certes bien réalisés, mais loin d’un vrai produit.

 

 

La découverte d’un projet prometteur

Tout commence quand je découvre, sur le Journal du Geek, un article qui parle d’une petite révolution : une montre connectée qui permet d’afficher l’heure sur sa main. Je me rappelle alors d’un concept similaire que j’avais imaginé il y a 6 mois et dont j’avais rapidement parlé autour de moi. Je reçois un message Facebook : “Regarde, quelqu’un l’a réalisé, ton concept, c’était pas une mauvaise idée !”, accompagné du lien vers la campagne IndieGoGo de Ritot.

 

La blague passée, je m’intéresse aux rewards et dégaine ma carte bleue pour backer le projet. À 120€ la montre connectée qui s’avère être un vrai bijou, il ne fallait pas que je rate l’occasion.

 

Et puis je réfléchis. Je regarde les visuels, et ne vois aucune trace de prototype usable, uniquement des images. Je regarde la vidéo, qui est un diaporama de ces images, couplé à un discours face caméra du fondateur du projet, qui me laisse… Perplexe.

 

https://www.youtube.com/watch?v=OfmReO31grA

 

Le doute commence alors à planer

Tout est beau, tout est parfait, la montre présente toutes les qualités que l’on pourrait attendre d’un produit abouti, manufacturé et emballé.

J’en parle autour de moi, et, en rigolant, on me dit : “Moi j’ai inventé une chaise, elle vole, elle supporte le poids de 3 vaches, le réacteur ne fait aucun bruit, et la batterie dure 2 ans.”. La phrase résonne dans ma tête et je m’empresse de regarder à quoi servent les fonds récoltés lors de la campagne.

Dans la plupart des cas, ils servent à manufacturer en masse un produit déjà prototypé. En lisant, je me rends compte que dans le cas de Ritot, ils servent à lancer la R&D “nécessaire à la création d’une Ritot qui sera à la hauteur de nos prévisions” et éventuellement de lancer une production de masse par la suite.

La campagne est flexible, avec un objectif de 50.000€ : tous les fonds obtenus, même en dessous de l’objectif, seront récoltés.

 

120€ pour une telle montre, c’est beau

160€ pour l’acheter une fois la production terminée. Je ne sais pas vous, mais ça me paraît trop peu. En en parlant à des revendeurs d’électronique, on m’explique que le prix du picoprojecteur seul excède les 80$. C’est sans compter le reste des composants, et le coût de la R&D qu’implique une technologie de taille si réduite. Et ne parlons pas du dock de charge qui est compris dans le package, et qui ressemble à ça.

Rien que ça.

J’étais étonné que personne ne parle de l’apparente vérité : le projet ressemble vraiment à une arnaque. Et si ce n’en est pas une, il y aura eu un très gros problème de communication de la part de Ritot.

Ça commence à gronder dans les commentaires de la campagne

Le son de la colère se fait entendre, et nombreux sont les commentaires exigeant un remboursement des fonds investis dans une campagne qui ne peut rien prouver quant à la faisabilité de son projet.

On s’étonne qu’aucun prototype ne soit présenté sur la page de la campagne, alors même qu’un membre de l’équipe est désigné comme chargé du prototypage.

 

Paul Smith est un “grand spécialiste de l’électronique” et a “développé tous le hardware et les prototypes de Ritot”.
Mais où sont donc ces fameux prototypes ?” S’insurge un backer de la campagne.

Son commentaire est aussitôt supprimé, ainsi que les descriptions des membres de l’équipe Ritot “pour les améliorer, elles seront de retour dans 1 semaine”.

Les backers exigent de voir les prototypes et l’avancement technique du produit.

À moins que le développeur se soit terré dans une grotte afghane pour développer Ritot, il n’y a aucune explication valable à un tel délai pour obtenir plus d’infos sur le produit dans lequel on vient d’investir son argent.

Des promesses

Donnons tout de même le bénéfice du doute à l’équipe de Ritot. Il se peut qu’ils aient une explication valable à la non divulgation d’éventuels prototypes fonctionnels de leur montre.

J’aimerais savoir s’ils ont une explication, par contre, quant à la photo du mannequin qui regarde l’heure sur le mauvais bras.

Ils promettent que dans une semaine, tout serait en ordre et que les backers seraient rassurés. Si vous voulez voir une floppée de messages d’explication, c’est par ici.

Une théorie du complot

Ce qui suit sera peut-être complètement non avéré dans une semaine, et relève surtout d’un jeu de spéculation sur la vérité. Mais imaginons.

Il se peut très bien que les créateurs de la campagne aient mis en place ces images dans le but d’arnaquer des centaines de backers. Il se peut aussi très bien qu’ils aient backé une somme de départ afin de donner de la crédibilité à leur projet, une crédibilité creuse dans laquelle se sont enfoncés les médias tech dans lesquels j’ai le plus confiance. Les médias entraînant les médias, on se retrouve avec un projet d’apparence génial et ultra-innovant, mais qui au fond n’est qu’un amas de montages photoshop.

Je vous invite à creuser un peu plus la question, et à en discuter ensemble : que les backers se soient fait influencer par de belles images et aient donné sans creuser plus, pourquoi pas. Mais les médias qui relaient, ne sont ils pas chargés de vérifier l’information ?

Mashable titre tout de même “This Smartwatch Concept Projects Notifications Directly Onto Your Hand”, avec le mot concept.

Un concept à 420.000€, tout de même. On m’avait pourtant dit que les idées ne valaient rien, que l’exécution était maîtresse. Je savais bien que j’aurais dû faire fonder le montage d’un bracelet à projecteur que j’avais fait à la va-vite un soir.

 

 

Pour conclure

J’ai bien peur de ne pas être complètement dans le faux, et me demande ce que cela change en matière de confiance portée à IndieGoGo, quand un Kickstarter requiert un prototype fonctionnel pour lancer une campagne.

J’en appelle à votre curiosité pour aller voir ce qui se trame derrière cette campagne et essayer de découvrir la vérité qui la façonne. S’il faut, je me trompe sur toute la ligne et je devrai des excuses à Ivan Powell.

Mais j’en doute. En tout cas, ma carte bleue est retournée au chaud et n’est pas prête à backer Ritot, la montre connectée sur Photoshop.