Digital + Humanities 3 c’est l’alliance d’un lieu clé et des organisateurs dynamiques. Cet événement s’est déroulé au cœur du nouveau centre de l’innovation et du numérique, le NUMA. Curiouser n’a pas choisi ce lieu au hasard, puisqu’il s’agissait justement de se retrouver dans un lieu en concordance avec les thèmes abordés lors de la conférence.
Curiouser a invité des professionnels de qualité ainsi que des chercheurs confirmés. Au cours de la soirée, plusieurs binômes composé d’un chercheur et d’un praticien ont confronté leurs idées et parfois accentué leurs propos par une pointe d’humour. Les premiers mots ont été prononcés par l’équipe de Curiouser, Cyril Rimbaud et Maud Serpin, qui n’hésitent pas à rappeler aux convives ce qu’est une innovation digitale.
Tout ce qui est numérique n’est pas innovant et tout ce qui est innovant n’est pas forcément numérique. Innover c’est remettre en cause l’existant et le réinventer, c’est chercher la rupture quelque soit le domaine, c’est sortir de sa zone de confort, prendre des risques et améliorer les choses dans son quotidien. On l’aura compris, l’innovation est un processus qui change nos mondes, la façon de les percevoir et d’interagir avec eux.

1. Penser l’innovation

Anthony Mathé, Docteur en Sémiotique et Communication, appréhende le sujet par le prisme du langage et le sens construit. Il nous expose son analyse sémiologique, son point de vue sur la typologie des procédés d’innovation et un regard croisé sur les procédés digitaux. Innover c’est vouloir faire connaître, faire aimer et faire acheter en ce qui concerne le discours communicatif. Concernant un discours un peu plus corporate, les valeurs ne sont plus les mêmes. Il s’agit plus de leadership, que de nouveauté. Elle permet de valoriser l’entreprise. On adhère à l’entreprise et on s’y reconnaît par le biais de l’innovation. L’innovation selon notre chercheur c’est finalement soit du désir, soit du leadership. Les procédés d’innovation consistent à la définir comme une solution nouvelle à un problème qui n’avait pas été formulé tel quel. Elle touche à des catégories plus qu’à des contenus.
Le paradoxe de l’innovation : c’est un écart à la norme qui finit aussi par se normaliser, et se banaliser. Elle ne confirme pas la règle mais la réinvente, la modifie.
Alexis Thobellem, Responsable Digital et Objets Connectés chez Danone, veut promouvoir le service de livraison Evian en se faisant livrer notre eau en quelques heures et rendre possible un frigo intelligent qui fait vos courses à votre place.
Les mots d’Anthony Mathé : « Le réel est là. Ce n’est pas du hasard. C’est de la créativité organisationnelle qu’il en ressort car les gens n’ont pas été fermés à la proposition d’un développement. Comment faire une bascule pour sans cesse solliciter ce genre d’idée ? L’innovation fait donc sens du coté social ».

2. Créer l’innovation

Valérie Beaudoin, chercheuse en sciences sociales à Paristech, nous démontre que le consommateur a reconfiguré la chaine de consommation habituelle. Initialement la vision de la création à la consommation est linéaire. Cependant, on voit une augmentation du nombre de consommateurs capables de créer, inventer et partager sur les réseaux sociaux. Une réelle prolifération des pratiques expressives permet une étude qualitative pour la création d’un nouveau produit et la mise en visibilité sur le marché se fait beaucoup plus sereinement.
Au niveau de la distribution, les consommateurs sont maintenant distributeurs dans la chaîne de consommation. Ils ont un rôle amateur de critiques dans la construction de la valeur des biens. De plus, le jeu de recommandations sur les réseaux sociaux joue un rôle important dans la promotion et la diffusion des produits. Ce procédé est en phase avec l’utopie de l’Internet : relation directe avec le créateur et le consommateur.
Ceci reste une vision extrême d’une montée en puissance du consommateur dans la chaîne de production, mais la réalité ce sont les déplacements réduits. Le peu de différences entre les avis des créateurs et des consommateurs se situe au niveau du gain de temps – considérable – pendant la phase de création.
Un modèle des startups : créer un produit très désiré des consommateurs et réussir à capter les besoins des modèles autour de lui.
Samuel Degrémont, créateur de Golilab, nous explique que son produit c’est l’innovation sociale. Le but est d’opérer un changement de comportements et pour se faire il a besoin de beaucoup d’arguments.
Il veut intégrer dans la morale sociale un objet de tous les jours : une bouteille d’eau réutilisable. Dans son processus de réflexion il a rapidement fait intervenir son réseau en proposant des usages et des prototypes afin d’avoir leurs réactions en retour.
Sauf que la population à tendance à résister aux changements sociaux. Quand il dit au directeur d’achats dans une entreprise que c’est moins cher que des gobelets, généralement l’impact est considérable et il ne reste plus qu’à convaincre les salariés de l’utiliser. Il souhaite que ce produit n’ait pas seulement une portée au sein des entreprises mais qu’il corresponde a une innovation par les utilisateurs grâce au numérique. Venir les chercher dans leur propre éco système, en dehors du système de l’entreprise.

3. Favoriser l’innovation

Matthieu Manant et Olivier Binet échangent sur un vaste sujet : l’open innovation. Encore souvent incomprise, la notion d’innovation ouverte bouscule pourtant les pôles de R&D des entreprises. Derrière cet engouement se cache la peur pour les entreprises de se laisser dépasser par une plus jeune qui a simplement mieux compris les enjeux du marché. Selon Matthieu Manant, maître de conférences en économie et chercheur, « la question de l’open innovation est envisagée par les économistes comme un paradigme nouveau ».
Pour revenir sur le numérique Matthieu Manant est clair : « le numérique ne change pas grand-chose en termes de stratégies s’agissant de l’innovation […] le numérique n’est pas un facteur mais un facilitateur d’innovation. »
Très tôt l’innovation ouverte a été identifiée par la littérature économique. Elle a été mystifiée au début car elle a suscité un réel engouement de la part des économistes.

4. Table ronde « Innovation et science-fiction »

La conférence se poursuit mais elle change de forme. Une table ronde prospective sur les liens entre innovation et science fiction est mise en place. Cyril Rimbaud est entouré du journaliste Rémi Sussan, de David Morin Ulmann et Baptiste Cazes. Ces nouveaux invités vont parler d’innovation mais cette fois-ci sous l’angle suivant : comment la science-fiction innove ? L’objectif étant de questionner les rapports entre les créations issues de l’imaginaire de la science-fiction, et l’innovation telle qu’elle est pensée aujourd’hui.
Chacun expose sa vision et cela génère un débat ouvert et rythmé par les références, citations et anecdotes. Cette phrase de Joseph Campbell ressort : « La science-fiction est constituée des espoirs, des rêves et des craintes d’une société fondée sur la technologie ». On comprend très vite que la science-fiction est une source majeure de l’innovation lorsqu’elle est adaptée au monde réel : La science-fiction créée, les inventeurs s’en emparent, la recherche s’y met et l’innovation voit le jour.
La culture née de l’univers de la science-fiction est donc à l’origine d’un certain nombre d’innovations. Par exemple, les sociologues Gabriel et Georg Simmel peuvent être considérés comme les inventeurs de Meetic. En effet, les fondements du site de rencontre en ligne auraient était établis il y a plus d’un siècle, en 1898.
Autre exemple : les drones font l’actualité mais ce sont d’abord des objets de science-fiction. On en voit dans de nombreuses œuvres littéraires et cinématographiques tel que Star Wars.
On évoque aussi les incroyables prédictions d’Isaac Asimov fait en 1964 pour 2014.

L’innovation derrière la science-fiction suscite tout de même de la réserve. Il faut aussi penser aux conséquences qu’elles peuvent provoquer. La loi d’Amara illustre cette idée : on surestime l’effet d’une technologie à court terme et on sous-estime l’effet à long terme.






La clé de la réussite est la maîtrise de la complexité dans l’optique d’agréger de nouvelles innovations.

Article écrit avec la participation de : Séraphin Berrux