En février dernier se tenait la conférence « Avenir du jeu vidéo » à l’école CentraleSupélec. Les spectateurs ont eu la chance d’assisté à une table ronde rassemblant 5 intervenants de 4 grandes entreprises, startups et associations : TF1, Ubisoft, le SELL et Shadow. C’est l’occasion de faire un bilan de l’année 2016 pour l’industrie du jeu vidéo et surtout de ce qui l’attend dans le futur : E-sport, réalité virtuelle, nouveaux acteurs etc…

 

Le jeu vidéo aujourd’hui, qu’est-ce que ça représente ?

esport-conferenceMalgré la crise, le secteur du jeu vidéo n’est pas en difficulté, bien au contraire. Les chiffres fournis par le SELL (syndicat des éditeurs de logiciel de loisirs) de l’année 2016 sont impressionnants : 3,46 Milliards d’euros cette année, plus que le record historique de 2008. Les estimations du SELL le place même comme première industrie culturelle en France d’ici fin 2017.

Arnaud Chemin, Market Analyst chez Ubisoft confirme que cette année fut très rentable pour l’éditeur français, tout particulièrement grâce à son dernier FPS : Rainbow Six Siège, qui cumule à ce jour plus de 10 millions de joueurs actifs. Il explique ce succès grâce à un système de mise à jour régulière, de tournois et d’événements hebdomadaires. En effet, depuis sa sortie en 2015 le jeu a profité de 3 extensions majeures gratuites, au moins 15 mise à jour et l’ajout d’un système de détection de triche. Grâce à cette communauté fidèle, le jeu peux espérer se hisser au rang de nouveau FPS le plus populaire notamment depuis son introduction sur la scène de l’e-sport. Mais la concurrence est rude, les compétitions d’e-sport, massivement diffusées sur twitch sont représentées à 80% en terme d’audience par 5 jeux quasiment indétrônables : Counter Strike, League of Legends, Dota 2, Hearthstone et Overwatch. Les studios qui aimeraient mettre un de leurs jeux sur le podium sont tout aussi déterminés comme Vainglory, (un MOBA sur smartphone et tablette) ou Clash Royal (le jeu de cartes inspiré de clash of clans) dont des compétitions sont déjà en train de se développer. Bien entendu, l’investissement des éditeurs ne suffit pas pour propulser un jeu sur la scène e-sport.

« On ne fait pas un jeu e-sport, votre jeu devient e-sport quand il est adopté par la communauté »

Arnaud Chemin.

C’est en effet la communauté du jeu qui détermine son entrée sur scène et pour preuve, les jeux les mieux installés sont issus de l’action d’indépendants. C’est un mod du jeu Half Life qui produisit Counter Strike et un mod de Warcraft 3 nommé Dota qui donna naissance à un nouveau genre : le MOBA dont font partis Dota 2 et League of Legends.

Ubisoft prépare maintenant sa troisième saison de Pro League qui débutera le 29 aout. 32 équipes d’Europe et d’Amérique s’affronteront pour remporter un cashprize de 150 000 USD. Ubisoft a bien compris l’enjeu que représente l’e-sport pour la durée de vie de ses jeux et compte y investir davantage.

 

La place de l’E-sport dans le futur.

Très rapidement, l’e-sport a attiré l’attention de grands acteurs mais qui hésitaient encore à investir sérieusement dans cette discipline. Récemment grâce au travail du SELL et d’Axel Lemaire qui porta le projet de la loi pour la république numérique, les compétitions de jeux vidéo possèdent un cadre juridique claire et sûr qui permet maintenant à l’e-sport de bénéficier du soutien de nouveaux acteurs, notamment TF1.

La chaine de télévision souhaite être reconnu rapidement comme un pionnier de la diffusion au grand public de ce nouveau sport. TF1 possède déjà sa propre compétition d’e-sport, la Xtra cup qui propose des tournois de Hearthstone, League of Legends et Overwatch, le tout diffusé en direct sur leur nouvelle chaine dédiée au digital : Xtra. Mais le groupe ne compte pas en rester là et souhaite lancer un nouveau concept diffusé par Twitch et Eclypsia 24h/24 : la Gaming Inside Experience. Deux équipes de League of Legends (5 femmes et 5 hommes) seront placées dans une Gaming House, leur objectif est d’acquérir un niveau suffisant pour participer au Challenger Series avec 5 heures d’entrainement quotidien… Cette information fut relayée par les médias de manière assez sensationnalistes, en faisant rapidement une comparaison avec les émissions de téléréalité de la chaine comme Star Academy ou Secret Story. Ce qui amena une réaction très virulente de la communauté des joueurs, inquiétés de l’image que ce programme pourrait véhiculer. Cependant lors d’un entretien avec Marine Adatto ,la Directrice du pole Entertainment, content & e-sport, celle-ci affirme que ces comparaisons n’ont pas lieu d’être. TF1 souhaite faire connaitre au public le quotidien des joueurs professionnels, sans les mettre en spectacle.

« Les gens s’intéressent beaucoup à ce qu’il peut se passer dans une Gaming House. »

Marine Adatto.

Elle assure que le projet est fait avec bienveillance, et a pour but de faire connaitre les valeurs de l’e-sport et de montrer une image du joueur plus actuelle.

Aujourd’hui, les jeux vidéo ne sont plus limités au simple passe-temps, mais sont devenus des sports à part entière. Les joueurs, surtout les professionnels, ne sont plus des solitaires marginalisés, mais des athlètes admirer à travers le monde pour leurs performances et leur connaissance du jeu. Et à ce titre, les chaines sportives doivent s’intéresser à ce phénomène. C’est ce le cas de BeIn Sport qui lance une émission réservée au sport digital, animée par les streamers Domingo et Tweekz. Cependant il est difficile d’amener du contenu e-sportif à la télévision, car il se consomme avant tout sur le web. D’autant plus que le CSA n’a pas encore décidé d’accorder les mêmes privilèges à l’e-sport qu’il accorde déjà aux autres sports concernant la publicité des sponsors. D’autres questions restent en suspens quant aux heures de diffusion à accorder à ces émissions, notamment lorsqu’il s’agit de diffuser des jeux violents.

Quoi qu’il en soit, le futur de la télévision et du jeu vidéo sont liés, la télévision telle qu’on la connait en France se doit de s’approprier les nouvelles tendances et technologies si elle veut survivre à la crise qu’elle subit depuis la révolution d’Internet.

Les possibilités de la réalité virtuelle.

Après un début difficile, la réalité virtuelle se trouve maintenant sur le devant de la scène qui rassemble les nouvelles technologies.

zero-latencyLe potentiel est énorme et particulièrement pour le jeu vidéo qui se nourrit de deux choses : la créativité et les innovations technologiques. Grace à la mise au point de casques de VR plus performants et plus accessibles, on peut s’attendre à ce que les éditeurs de jeu proposent dans l’avenir de nouvelles expériences pour les joueurs. Certains ont d’ailleurs déjà commencé à exposer leurs projets, le plus impressionnants réalisés à ce jour est sans conteste le Zero Latency qui était présent ce 11 février 2017 à Madrid. 6 joueurs, équipé d’un fusil imprimé en 3D et de leur casque de réalité virtuelle sont réunis pour protéger une ville virtuelle fasse à des hordes de zombies. Une expérience multi-joueurs immersive et très spectaculaire d’après les utilisateurs. Les participants peuvent se déplacer librement dans un hangar de 200 mètres carrés, équipés de 64 caméras qui détectent les mouvements des joueurs. Pour ceux qui n’ont pas eu la chance de participer à cette expérience à Madrid, 7Fun, l’entreprise qui détient tous les droits sur ce concept a déjà prévu d’ouvrir prochainement de nouveaux espaces à Paris et dans la plupart des capitales européennes.

Comme le montre ce projet et pour reprendre les mots d’Emmanuel Martin, délégué au SELL, le jeu vidéo est devenu le laboratoire des usages numériques. Il s’agit du meilleur moyen de faire découvrir au grand public une nouvelle technologie, pour qu’il se l’approprie à travers le jeu.

TF1 attend justement que le public soit prêt à accueillir la réalité virtuelle pour lui proposer de nouveaux services pour ses émissions de prime. Comme par exemple se retrouver à la place d’un coach dans The Voice et découvrir l’expérience qu’ils vivent à chaque nouveau candidat ou participer aux épreuves de Koh Lanta avec son équipe préférée. La chaine a également lancé une application : MyTF1 VR qui permet de proposer une expérience différente de la consommation télévisuelle avec des contenus pensés pour la VR. Leur premier court-métrage, Sergent James, est déjà disponible.

Indéniablement, l’industrie du jeu-vidéo subit de nombreuses transformations et c’est tant mieux. Ses acteurs ont compris que leur épanouissement ne peut passer que par l’écoute de leur public, l’e-sport en est le meilleure exemple, et la télévision ne devrait plus tarder à suivre son exemple.